Jon Kabat-Zinn et la Pleine Conscience (Mindfulness)

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Aux origines, étudiant au MIT et Zen
Par Valérie Besson

En 1966, à 22 ans, le jeune Jon Kabat-Zinn commence à s’intéresser à la méditation bouddhiste de la pleine conscience alors qu’il étudie auprès d’un lauréat du prix Nobel et obtient un doctorat en biologie moléculaire au prestigieux MIT. Pourtant, il se sent « perdu » et ne sait pas comment se « rapprocher de la société » alors que la guerre du Vietnam bat son plein. Il se met alors aux arts martiaux et à la méditation zen japonaise, qui le mènera ensuite au zen coréen.

Dans sa jeunesse, se rappelle-t-il, la méditation « était perçue comme quelque chose de nébuleux réservé aux fous marginaux, au-delà même de la contre-culture… ». Pourtant il rencontre de merveilleux maîtres chan et zen, qui ont une influence considérable sur sa vie. Immédiatement étonné par la puissance et la simplicité de la pratique de la pleine conscience, il découvre comment réguler son attention dans le moment présent, et du même coup, saisit l’importance de ne pas passer à côté de la vie. De plus, cette pratique serait très utile pour faire face au stress de la vie courante.
Plus tard, vers les années soixante-dix, il pratiquera auprès de maîtres Vipassana d’origine américaine comme Jack Kornfield et effectuera des retraites dans leurs centres.

Relaxez le front, les sourcils, les paupières, les mâchoires puis portez votre attention au mouvement de votre abdomen qui gonfle et dégonfle au rythme de la respiration.

L’audace d’une Clinique de Réduction du Stress
En 1979, alors qu’il est médecin, il cherche à associer la méditation, la thérapie et la réduction du stress au coeur de son hôpital; une démarche inattendue pour un docteur. Il veut rendre accessibles et partager avec ses patients les bienfaits qu’il a lui-même expérimentés avec la méditation, surtout pour les patients n’obtenant pas d’amélioration avec les traitements traditionnels. Mais introduire la méditation bouddhiste sans le bouddhisme dans le monde médical classique est un défi énorme.

« J’ai fait le tour des médecins de l’hôpital où je travaillais et j’ai commencé à leur parler de la méditation, puis je leur ai demandé : “Si nous mettons au point un programme de réduction du stress basé sur la méditation, et même si vous pensez que la méditation est quelque chose d’insensé, est-ce que vous nous enverrez des patients ?” » Beaucoup de médecins lui ont répondu : « Je pourrais penser spontanément à une centaine de personnes qui ne se portent pas mieux avec mon traitement.

Peut-être que vous pourriez leur apporter quelque chose. »  Il parvient finalement à faire méditer des patients sans trop de problèmes avec son administration grâce à ses prestigieux diplômes, véritables garanties auprès de ses interlocuteurs.

Son programme de Réduction du Stress
C’est ainsi qu’il fonde la Clinique de Réduction du Stress à la faculté de médecine de l’Université du Massachusetts et commence à organiser des cours de huit semaines basés sur des techniques de méditation et de yoga, qu’il intitule « Programme de Réduction de Stress basé sur la Pleine Conscience » (Mindfulness Based on Stress Reduction MBSR).

L’objectif du cours est simple : s’entraîner à la conscience du moment présent. « Il fut évident, presque tout de suite, que si l’on mettait l’accent sur l’exercice d’une attention et d’une conscience, sur une présence sans jugement, non réactive, instant après instant, alors ce serait quelque chose que tout le monde pourrait faire » explique-t-il. Le but est de se centrer sur le moment présent, de manière à éviter les ruminations négatives.

Les patients étaient envoyés par des anesthésistes, par la clinique de la douleur, par des chirurgiens orthopédistes, des médecins généralistes et des neurologues. « Dès que les médecins ont vu ce qui se passait avec leurs patients, ils nous en ont envoyé davantage » se souvient-il. Ce fut un énorme succès et ainsi naquit la première clinique de « Réduction du stress basée sur la pleine conscience » en Amérique du Nord.

« suivre un programme de réduction du stress est stressant au début, car il implique un changement de vie radical et immédiat, mais les bienfaits sont proportionnels, donc énormes ».

Des preuves, des preuves et des preuves
Pour Jon Kabat-Zinn, l’important est l’approche empirique : essayez, voyez comment vous vous sentez quand vous commencez à cultiver ce qu’on appelle la pleine conscience. Voyez ce qui se passe, ce qui se produit et ensuite faites-vous votre propre opinion. Et les gens ont commencé à ressentir des changements dans leur douleur et dans leur relation à la douleur, même quand la douleur ne changeait pas. Ils ressentaient plus de liberté et réalisaient même que : « ma douleur n’est pas moi. »

En tant que scientifique, Jon Kabat-Zinn avait cependant compris que son programme MBSR ne serait largement accepté que s’il était capable de comparer scientifiquement les résultats, entre ses patients qui méditaient et un groupe de patients qui ne méditaient pas. Sans aucun financement pour des essais cliniques en aveugle, il décide de démarrer ses propres essais.

En 1982, il envoya un groupe de 51 personnes souffrant de douleur chronique suivre un cours de huit semaines comportant une session hebdomadaire de deux heures sur la pleine conscience. L’étude, publiée dans le Journal of the American Medical Association, montra que le niveau de la douleur ressentie par les sujets avait diminué de manière significative, la moitié d’entre eux faisant part d’une réduction de 50 % ou plus.

D’autres études suivirent et, en 1993, 40 millions d’Américains purent regarder à la télévision un documentaire intitulé Healing and the Mind (La guérison et l’esprit), réalisé par le journaliste chevronné Bill Moyers qui filmait Kabat-Zinn et ses patients recevant un traitement aux ultraviolets contre le psoriasis. Les patients de l’un des groupes recevaient uniquement le traitement aux ultraviolets tandis que ceux de l’autre écoutaient des cassettes de pratique guidée de pleine conscience pendant leur séjour dans la cabine à ultraviolets.

On constata que le taux de guérison des méditants était environ quatre fois supérieur à celui des non-méditants. Ce fut une onde de choc.

De quoi s’agit-il ?
Dans le programme de réduction du stress basé sur la pleine conscience (MBSR), l’idée est de développer au sein même de l’hôpital un entraînement intensif à la méditation bouddhiste… sans le bouddhisme. Durant huit semaines, les patients se voient en groupe une fois par semaine pour une rencontre de deux heures, ils méditent ensemble et apprennent les différentes techniques, puis ils doivent ensuite méditer 45 minutes chez eux du lundi au samedi. Les patients des groupes de 24 à 40 personnes sont atteints de toutes sortes de pathologies, tous sont mélangés.

À la première rencontre, Jon Kabat-Zinn prévient toujours : « suivre un programme de réduction du stress est stressant au début, car il implique un changement de vie radical et immédiat, mais les bienfaits sont proportionnels, donc énormes ».

Jon Kabat-Zin a recontextualisé l’enseignement de la méditation zen et Vipassana pour les rendre accessibles aux personnes, il s’agit d’exercices simples que les patients peuvent faire eux-mêmes. Avec la méditation, le yoga, la relaxation, et les exercices d’attention et de de concentration, les patients font un travail sur leur esprit et sur leur relation à la souffrance, ils sont impliqués dans leur processus de guérison au lieu d’être passifs et dépendants du système médical.

« La pratique ultime », explique Jon Kabat-Zinn, « ce n’est pas d’être assis en posture de “lotus”, mais dans la vie quotidienne

Comment ça marche ?
« Grâce au non-agir, tout se met en place », dit le maître Lao Zi. L’objectif est de placer notre attention sur un objet précis qui peut être la respiration, les sensations du corps ou les bruits autour de nous, et de l’y maintenir sans jugement et, si l’esprit s’envole ailleurs, on le ramène sans cesse à l’objet de concentration sans commentaire ou jugement.

Lorsque notre attention se porte sur ce que l’on ressent ou pense ou entend… il importe de faire attention aux mots que l’on utilise mentalement pour prendre conscience de ce qui se passe en nous. Quand on est dans le passé ou le futur, il importe de le noter simplement sans agressivité ou déception, et revenir à chaque fois au moment présent et à notre objet de concentration. Nos pensées, les bruits, les sensations, les douleurs… ne sont pas nos ennemis. Ils sont là, c’est tout.

Méditer ne signifie pas ne rien percevoir, avoir l’esprit vide. C’est la manière dont nous nous attachons ou pas à ces pensées, à ces perceptions, à ces sensations et ce que nous en faisons qui va déterminer la qualité de notre présence à l’instant. La pratique consiste à revenir, sans cesse, au moment présent. C’est un véritable entraînement. On ne cherche pas à changer quoi que ce soit, mais à entrer en amitié avec les choses telles qu’elles sont et voir ce qui se passe. C’est une présence douce au présent, ni tendue ni endormie. L’exercice paraît simple, mais il est plus difficile qu’il n’y paraît, car notre attention a tendance à partir tel un cheval fou.

« La pratique ultime », explique Jon Kabat-Zinn, « ce n’est pas d’être assis en posture de “lotus”, mais dans la vie quotidienne, de faire ce qui est approprié dans le moment présent et bien sûr cela doit être éthique. Regardez combien de gens sont en difficulté parce qu’ils font des choses qu’ils savent ne pas être justes. Ils choisissent un chemin, que ce soit l’alcool, la drogue, le jeu ou le sexe, parce qu’ils se sentent seuls, blessés, confus, incompris, mal-aimés, et il leur semble qu’ils retireront un peu de plaisir de ce moment particulier. Ce qu’ils ne voient pas, c’est que derrière ce petit moment de plaisir, il y a un champ infini de douleur.

« Si vous êtes réellement présent, vous n’avez pas besoin d’une grosse boussole morale, parce qu’à chaque instant votre présence, votre veille vous protège naturellement. Nous constatons cela chez nos patients. Ils viennent et ils nous disent qu’ils voient les choses différemment et agissent différemment, ils ne réagissent plus suivant leurs anciens schémas. Ils apprennent à répondre plutôt qu’à réagir, ils font preuve d’un plus grand sens de l’humour et se prennent moins au sérieux. »

Pratiquer : Montreal Institute of Applied Mindfulness, 6000 chemin de la Côte-des-Neiges, Suites #110-115, Montreal 514.272.2832
Sources : magazines Psychologies, Clés, View, la revue de Rigpa. www.pleineconscience-paca.com

Dernière modification: septembre 17, 2019